La représentation de la femme dans une rupture amoureuse, signé Loud
- Leïa Bordeleau
- 25 janv. 2021
- 4 min de lecture
*Je vous conseille d'aller écouter la chanson « Toutes les femmes savent danser » de Loud avant de lire, vous allez mieux comprendre mes propos! Le lien est au bas de l'article.*
La chanson « Toutes les femmes savent danser » de Loud met en scène une rupture amoureuse. Le ton accusateur envers la femme ayant mis fin à une relation ainsi que les paroles de la chanson traduisent un certain machisme. En regardant le clip, on peut avoir l’impression que les femmes sont valorisées. Néanmoins, en s’attardant aux paroles ainsi qu’aux images, on s’aperçoit que les femmes sont représentées de manière négative. De plus, une figure masculine est présente en arrière-plan tout le long de la chanson.
Le vidéoclip s’ouvre sur un plan de la jeune femme convoitée par la femme représentant Loud. Il s’agit du seul moment où elle regarde la caméra, car ensuite, la caméra porte son attention en partie sur le personnage féminin incarnant Loud. Celle qui devient en quelque sorte la proie du double de Loud fixe uniquement la caméra au moment où la chanson dit : « Elle sourit pour les miroirs et les lentilles / Quand elle m’envoie des photos elle est sans filtre ». La mention des miroirs et des lentilles reconduit l’idée que la représentation de la femme doit être parfaite dans le monde médiatique, car la photographie est l’un des médiums les plus utilisés pour objectifier le corps féminin. Puis, les photos « sans filtre » traduisent le fait qu’une femme doit être belle aux yeux d’un homme et qu’il est souhaitable qu’elle lui envoie des photos coquines afin de le séduire.
De plus, les teintes rouges des images agencées aux paroles « J’ai vendu mon âme pour une âme sœur » illustrent aussi une certaine animosité envers la femme ayant mis fin à la relation amoureuse. Grâce à l’atmosphère sombre et rougeâtre, on perçoit un recyclage de l’imaginaire des enfers et des récits bibliques dans lesquels la femme est toujours envisagée comme un objet poussant à la tentation. La ligne précédente, « J’tombe toujours pour le même truc, ah, les magiciennes », renforce justement cette idée. Les magiciennes font référence aux femmes détenant un grand pouvoir de séduction envoûtant les hommes, ce qui correspond à la figure de la femme fatale incarnée par Ève dans la Bible. La couleur rouge, souvent associée aux enfers et aux démons, se trouve aussi sur les vêtements de la jeune femme du début clip, celle avec laquelle le double de Loud passe la soirée. Cela laisse croire qu’elle est séductrice comme le seraient toutes les femmes et que ses intentions sont mauvaises comme l’auraient été celles de l’ex petite amie.
L’idée qu’aucune femme n’est unique revient dans les verses « Toutes les femmes savent danser / Si c’est pas elle, ce sera quelqu’un d’autre ». Ces premières lignes du refrain suggèrent que toutes les femmes sont pareilles et, qu’en plus, elles sont interchangeables, que l’une se succède à l’autre. Cela traduit un certain machisme, puisque les femmes sont ici reléguées au statut d’objet : elles ne sont plus humaines, car elles sont identiques et substituables. Le caractère machiste de ce passage est aussi perceptible dans l’image audiovisuelle du clip. À ce moment de la chanson, on voit le double de Loud danser avec la jeune femme à la veste rouge. La caméra tourne auteur des deux personnages, mais s’attarde principalement à celle qui incarne Loud : elle regarde la caméra, tandis que la caméra semble fuir le regard de l’autre fille. Celle-ci prend une place importante dans le cadre seulement lorsqu’on nous montre son corps qui danse.
De plus, l’omniprésence de Loud en filigrane du clip se voit juste après cette scène de danse entre les deux femmes. Le personnage féminin de Loud dépose son cellulaire sur une table. À ce moment, le seul élément que l’on voit dans le cadre est une photo de Loud sur le cellulaire, car il est en train de téléphoner à son double. Cette image, combinée au fait que Loud a cédé sa place à une femme pour le personnifier, crée une disjonction entre le texte et l’image. Les paroles qui jouent sont alors : « Maintenant, tu m’attends sur ma deuxième ligne / J’savais qu’tu rappellerais one of these days ». L’image montre que c’est l’homme qui rappelle la fille après la rupture amoureuse, tandis que les paroles disent que c’est la fille qui revient toujours vers l’homme, comme si elle était désespérée. Le représentation audiovisuelle crée un effet d’attendrissement pour le personnage masculin qui tente de reprendre contact, tandis que dans la chanson, il a un ton accusateur envers la femme.
En somme, la représentation négative des femmes passe par son objectivation grâce au jeu de la caméra qui porte son attention majoritairement sur le regard du double de Loud et par le recyclage de l’imaginaire des enfers. L’omniprésence de Loud, donc de la figure masculine, se fait quant à elle sentir concrètement quand on le voit en photo.
Yorumlar